Marché en berne, place des investisseurs, contraintes normatives..., Jean-Michel Sede, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers des Hauts-de-France et directeur général de Loger Habitat revient pour NORDBAT sur l’état de son secteur.
Le premier semestre 2024 écoulé, quel état des lieux faites-vous ?
Le secteur d'activité de l'immobilier est à l'arrêt. A commencer par l’ancien où les notaires se projettent au niveau national à 750.000 transactions contre 875.000 l’an dernier. Pour le logement neuf, la tendance est similaire sur le Scot (Schéma de cohérence territoriale) de Lille, avec un volume d’activité inférieur de 30% à l’année dernière, qui était elle-même en dessous de 30% de la précédente. Cela représente un total de 435 réservations avec environ 360 collectifs et 75 maisons sur le premier semestre 2024, soit ce que nous faisions habituellement par trimestre.
La plupart des ventes sont réalisées en bloc pour les bailleurs sociaux qui ont réussi à maintenir le marché. Certains promoteurs préfèrent vendre à prix réduits, voire à perte à des bailleurs plutôt que de porter des logements dont la commercialisation n’est pas achevée. Mais les fonds propres des bailleurs sociaux ont été très sollicités, y compris pour enclencher les plans de réhabilitation de leur parc. Certains commencent donc à tirer la langue. Cette activité, même si elle procure un volume important pour les promoteurs, ne compense toutefois pas la baisse de la vente aux particuliers qui nous permet de faire vivre correctement nos structures, de faire face à l’augmentation des coûts de la construction en raison de l’inflation de normes thermiques et à un prix du foncier qui ne baisse pas.
Des promoteurs nationaux ont déjà réduit la voilure, qu’en est-il en région?
Ces derniers l’ont aussi fait en région et c’est en effet compliqué en termes d’emplois, peut-être un peu moins pour ceux qui étaient peu staffés. Sur une période si courte, je pense que la situation relève du jamais vu.
Dans ce contexte, y a-t-il des répercussions sur vos relations avec les entreprises ?
Nous avons des partenariats de longue date avec les entreprises, mais il est vrai que certaines commencent à souffrir, notamment dans le gros œuvre, où il y a moins de latitude car les chantiers ne démarrent plus. On ressent un impact sur les trésoreries et sur les corps d'état secondaire avec un début d’augmentation de défaillances d’entreprises.
Avec la FFB et l’URH, nous échangeons aussi dans le cadre de l’Alliance pour le logement que nous avons déclinée en région avec le Préfet qui accompagne la démarche. Nous avons constitué des groupes de travail pour être, force de propositions sur des sujets locaux et améliorer la situation du logement dans les Hauts-de-France.
Y a-t-il malgré tout des typologies ou des secteurs géographiques qui tirent leur épingle du jeu?
D’une manière générale, les acquéreurs qui ont la capacité d’avoir un apport suffisant pour le projet n’ont pas de problème de financement et constituent l’essentiel de notre clientèle qu’ils soient occupants ou investisseurs. Les acquéreurs qui doivent revendre un bien pour réinvestir sont très liés au dynamisme du marché de l’ancien. Cette clientèle est toutefois freinée par l’augmentation des taux et reste attentiste. Les baisses de taux récentes devraient favoriser leur positionnement sur des projets immobiliers. Il y a également les plus jeunes qui disposent d'apports via leurs parents et obtiennent plus facilement un prêt, mais cela ne représente pas de gros volumes. Quant aux investisseurs, quand bien même le Pinel se poursuit jusqu’à la fin de l'année, ils demeurent aussi attentistes par manque de visibilité sur la fiscalité de l’immobilier dans les mois à venir.
Si on aborde les secteurs géographiques, Dunkerque est un secteur qui marche plutôt bien en ce moment, avec dernièrement des programmes de qualité sur de très beaux emplacements en front de mer avec justement une part importante d'acquéreur-occupant .
Le rebond de l’activité industrielle avec 20 000 emplois attendus ces prochaines décennies dans le Dunkerquois produit-il déjà des effets?
Sur les besoins annuels de quelque 500 logements, on vient ajouter une demande qu’il est difficile de qualifier. Ces travailleurs viendront-ils seuls, en famille, combien de temps resteront-ils ? Malgré les projections, c'est très compliqué d'anticiper les typologies de logement et les localisations. Il nous faudra être inventif sur les montages et les typologies de logement et travailler en étroite relation avec les collectivités et le monde économique.
Le secteur est évidemment attrayant, en témoigne les 26 candidatures de toute la France récemment déposées pour un macro-lot sur le front de mer !
Un nouveau Premier ministre vient d’être nommé, qu’en attendez-vous?
Je pense déjà qu’il y a eu une prise de conscience générale sur le fait que le logement a été trop peu abordé et que certaines erreurs, comme la restriction du PTZ, et la fin du dispositif PINEL ont été commises sans doute sous la pression de Bercy.
Je pense par ailleurs qu'on va trop vite sur la réglementation du logement neuf. Il faut faire une pause sur les normes et simplifier l’acte de construire. On n’a pas encore de retours d’expériences sur des projets en RE 2020, qu’au 1er janvier 2025, il faudra déjà passer à l'étape suivante ! Sans compter que les prix de revient et les capacités à faire des entreprises demeurent de grands inconnus. C’est bien d’être les champions du monde de la performance du logement encore mais encore faut-il pouvoir le financer et que la population trouve un logement à un prix raisonnable. Le pari de miser sur les investisseurs institutionnels, qui nécessite une certaine rentabilité, ne fonctionne pas non plus compte tenu de niveaux de loyers que nous ne pouvons augmenter compte tenu des capacités de nos concitoyens. Il est par ailleurs regrettable que les projections de production de logements locatifs faites par le gouvernement soient uniquement centrées sur ce type d’investisseurs. Il convient au contraire de confirmer sur le long terme le rôle d’acteur économique de l’investisseur particulier en lui donnant les capacités d’investir de manière pérenne dans le logement. A l’heure où le débat sur les retraites refait surface, il me paraît indispensable de mettre en place des dispositifs qui permettre à nos concitoyens de se constituer un complément de revenus.
Nous proposons par ailleurs de remettre en place une exonération temporaire des droits de succession pour faciliter l’acquisition de logements neufs, le temps de réamorcer le marché.
Rédaction : Julie Dumez
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