Après 18 mois de fermeture pour extension, le musée Henri Matisse au Cateau-Cambrésis (Nord) rouvre ses portes le 23 novembre 2024. Visite en avant-première en compagnie de l’architecte Bernard Desmoulin et de la scénographe Birgitte Fryland.
Commençons d’emblée par la salle qui explique en partie le choix du Département du Nord de confier, parmi 60 candidats, la rénovation-extension du musée au groupement Desmoulin-Fryland. Ce grand plateau modulable, muni de cloisons mobiles, exposera les œuvres majeures d’Henri Matisse, dont « Fenêtre à Tahiti II », la Joconde du musée. La pièce de 300 m² et 5 mètres de haut permet l’accrochage d’œuvres volumineuses, offrant l’opportunité de « faire vivre » l’exposition permanente au gré de nouvelles œuvres exposées.
Dans le projet d’origine, ce plateau muséographique aurait dû être éclairé par des sheds en toiture. « Afin de faire rentrer le ciel du Nord dans le musée », se remémore Bernard Desmoulin, architecte du projet. Idée finalement écartée en raison de la vulnérabilité des œuvres à la lumière. En guise d’ouverture sur l’extérieur, la pièce se contente de deux larges fenêtres à chacune de ses extrémités. L’une sur les murs en brique côté ville, l’autre sur les frondaisons côté parc. Un face-à-face rouge/vert contrastant de manière heureuse avec le blanc cassé des murs et le bois du plancher.
Un parcours naturel… malgré quatre siècles d’architecture
Pièce centrale du nouveau musée, ce « muséo-plateau » est situé au premier étage de l’extension, soit 1 000 m² gagnés sur l’emprise d’un ancien marché couvert du XIXᵉ siècle attenant au musée originel (un hôtel particulier datant, lui, du XVIIIᵉ siècle). À la satisfaction du maître d’ouvrage, l’élégante façade en brique du marché a été conservée. À l’intérieur en revanche, tout est neuf. Le bâtiment possède dorénavant trois niveaux, dont l’un creusé en sous-sol. Une prouesse qui explique — en plus du Covid ! — le retard de livraison, initialement prévue en 2022. Après analyse des sols, il a fallu replanter des micropieux pour se conformer aux réglementations relatives aux fondations.
Un palais reconstruit en 1777, un marché couvert bâti en 1878, une précédente extension de 2002… « Le défi était d’avoir un processus linéaire dans ce collage d’architecture », résume l’architecte Bernard Desmoulin, « le visiteur ne se rend pas compte qu’on passe du XVIIᵉ au XIXᵉ, puis au XXᵉ, puis au XXIᵉ siècle ». Une réussite autant architecturale que scénographique. « Il fallait créer un parcours naturel entre les trois bâtiments », relate la scénographe Birgitte Fryland, vigilante à respecter un autre point du cahier des charges établi par le maître d’ouvrage : la visée pédagogique des lieux. D’où la création d’espaces didactiques où se racontent l’historique des œuvres et les techniques utilisées par Matisse : gravure, estampe, sculptures, découpes… Des espaces d’information et de médiation concentrés à certains endroits du parcours pour laisser un espace vital aux tableaux. « Ne surtout pas charger le rapport du visiteur aux œuvres ! Que chacun puisse se forger son propre regard sans être influencé par les explications », explique Birgitte Fryland.
Un parc pour accueillir le visiteur
Un parti pris en lien avec l’installation, tout au long du parcours, de lieux de détente qui permettent au visiteur de s’asseoir pour faire une pause. Notamment entre les trois parties abritant les trois collections du musée : Henri Matisse, les œuvres abstraites et colorées d’Auguste Herbin (1882-1960) et la donation Tériade (Picasso, Chagall, Giacometti, Léger…). Sachant que le plus étendu de ces lieux de respiration, le parc du palais Fénelon sur lequel donne le palais, est désormais reconnecté au bâtiment. Jusque-là invisibilisé par l’accueil et la billetterie, ce vaste jardin accueille désormais le visiteur à l’entrée du palais.
« Dès l’accueil, on a raccroché le parc au site grâce à la réouverture de fenêtres », se félicite Bernard Desmoulin, partisan de meubles très sobres en chêne foncé pour la billetterie, « on ne voulait pas rajouter des images qui perturbent l’espace ». Dans les salles, le mobilier créé sur mesure épouse quant à lui le blanc des murs. « Un blanc qui n’en est pas un », corrige Birgitte Fryland, qui aurait souhaité dans l’idéal un blanc spécialement créé pour le musée. Au final, le blanc légèrement cassé choisi, raccord avec la couleur du papier travaillé par Matisse, restitue parfaitement la vigueur des créations colorées de l’artiste. Et rappelle que le Nord était bien à l’origine de la quête de lumière poursuivie par le maître.
L’aménagement d’un marché couvert du XIXème siècle (à gauche sur la photo), attenant au Palais Fénélon, siège historique du musée Matisse, a permis au musée de gagner 1 000 m² dédiés à l’exposition et à l’accueil des scolaires. La surface de l’ensemble du bâtiment est portée à 5 500m².
Scénographe d’origine danoise, installée à Nice, Birgitte Fryland a respecté la volonté de Matisse : « un tableau doit être tranquille au mur. Il ne faut pas qu’il introduise dans le spectateur un élément de trouble ou d’inquiétude »
Doté de cimaises amovibles, un plateau muséographique de 300 m² et 5 mètres de haut accueille les œuvres les plus connues du musée.
Mobilier sobre pour la partie accueil du musée… qui reconnecte avec le parc du palais Fénelon.
Rédaction : Alexandre Lenoir
Directeur général en charge du développement chez Ramery, Olivier Romain défend l’investissement actuel du groupe nordiste de BTP et d’environnement dans le secteur de la transition énergétique. Notamment sur la production et distribution d’énergies renouvelables.
Face à l'imminence du changement climatique, l'architecture est confrontée à des défis qui requièrent des solutions innovantes, tout en assumant la responsabilité de la performance future des bâtiments.