Alors que le secteur de la construction manque cruellement de bras, Constructys, le Corif et le Campus des métiers et des qualifications ont profité de NORDBAT pour initier une table ronde sur la place des femmes dans la construction. Un prélude avant le lancement dès l’année prochaine des assises de la féminisation des métiers de la construction.
À entendre le micro-trottoir tourné sur le salon, la place des femmes dans la construction manque encore d’évidence. Selon la dernière étude de la Fédération Française du Bâtiment, en 2022, les femmes représentaient 12,9% des personnes employées dans le secteur de la construction. 46,3% parmi les employés et techniciens, 21% parmi les cadres et seulement 1,6% parmi les ouvriers.
“Métiers d’hommes”, port de charges lourdes, ambiance sexiste, et autres idées reçues ont la vie dure. Le Corif Hauts-de-France, association qui agit en faveur de l’égalité professionnelle et de la mixité, lutte justement contre les stéréotypes et les représentations sexistes depuis 40 ans. Et pour agir, elle s’attaque au sujet dès la formation. “On s’est par exemple aperçu que sur un public de personnes en recherche d’emplois souhaitant se former, sur un groupe homogène, les femmes allant vers les métiers du bâtiment et des TP ne représentaient que 7%, contre 93% d’hommes”, relève Juliette Maillard, consultante en égalité femmes-hommes au Corif Lille. “Nous avons donc travaillé sur nos réunions d’information collective. Cela s’est avéré payant sur le projet canal Seine-Nord-Europe avec trois femmes entrées en formation sur un groupe de 12. Conclusion : lorsque l’on met les moyens, ça marche!”, se réjouit-elle.
Changer l’offre de formation…
C’est aussi le cas lorsque l’on prend parfois le problème sous un autre prisme. Outre une évolution plus neutre de l’appellation des formations - ex : CFA Maçonnerie vs CFA Maçon, le rectorat de Lille mène des expérimentations sur les métiers en manque de mixité, comme sur ce lycée des métiers de l’automobile qui n’attend plus d’avoir des demandes pour proposer des places pour jeunes femmes dans son internat mais les propose d’emblée. “Cela a permis de créer de la demande, se félicite Sandrine Bénafquir, référente mixité au sein du rectorat des Hauts-de-France. Grâce à cela, l’effectif de filles est passé de 3 à 20 sur une promotion”. Un modèle appelé à être dupliqué dans les métiers du bâtiment.
… et faire connaître les métiers au plus grand nombre
Il en va aussi de la promotion des métiers dès le plus jeune âge. Ce à quoi s’attache Philippe Cers, président du Campus des métiers et qualifications d’Arras et Responsable Rénovation à la Directeur Action Régionale d’EDF Hauts-de-France. “Ouvrons la porte de nos entreprises pour faire connaître nos métiers”, plaide-t-il. Autant vis-à-vis des jeunes que des parents qui pourraient se révéler réticents à envoyer leurs jeunes filles dans le secteur de la construction, surtout en raison d’a priori et d’une méconnaissance de cet environnement. C’est que les clichés et stéréotypes subsistent lourdement. À l’image de ces témoignages d’apprenties du bâtiment victimes de remarques sexistes, autant d’hommes que de femmes.
“Touchons aussi le corps enseignant!”, ajoute même Isabelle Morel. La dirigeante de l’entreprise de gros œuvre CMBA à Saint-Martin-Boulogne qui n’hésite pas à témoigner de son parcours de cheffe d’entreprise dans l’univers de la construction dans les collèges s’est parfois heurtée aux stéréotypes de professeurs lui fléchant uniquement des garçons. Pour celle qui est aussi présidente du groupe des femmes à la FFB Nord-Pas-de-Calais, l’inclusion de femmes dans l’entreprise relève aussi “d’une logique d’équipe”. “Le port de charges lourdes affecte autant les organismes des hommes que des femmes mais si on réfléchit en équipe et qu’on s’organise, ce n’est pas un problème”, défend-elle. Une problématique aussi présente dans les métiers du soin à la personne où le port des charges est aussi omniprésent et pourtant moins un sujet vis-à-vis des femmes, cette fois sur-représentées dans cette profession.
Intégrer et accompagner dans le temps
Une fois l’intégration dépassée après “avoir fait ses preuves plus que les hommes” aux dires de nombreuses d’entre-elles, reste la question du maintien durable des femmes en entreprises, l’arrivée du premier enfant et de la parentalité se révélant souvent une rupture dans leur parcours. Chez Bouygues Bâtiment, le réseau de femmes WeLink accompagne par exemple les femmes dans leur carrière et des “roadshows mixité” favorisent les échanges autour de la thématique. “Notre système de mentorat entre femmes nous permet d’échanger et de travailler sur des sujets très précis comme le management, la négociation de salaires…”, explique Karine Famy, directrice générale adjointe chez Bouygues Bâtiment Nord-Est. Elle regrette cependant “l’absence de femmes aux postes de compagnonnes” alors même que les métiers du bâtiment évoluent de plus en plus vers des tâches liées à la transition écologique, et que le manque de bras est de plus en plus criant. Si l’on trouve aujourd’hui des femmes aux postes de cadres, elles sont en effet encore trop rares dans les métiers dits de production comme maçonnes, électriciennes, carreleuses.
Et Cécile Blondel, DG de Constructys, l’opérateur de compétences de la construction au service des entreprises et salariés du Bâtiment, du négoce et des TP de conclure : “On a tous envie de travailler sur la mixité des métiers : je vous propose de travailler à la mise en œuvre, dès l’année prochaine, des assises de la féminisation des métiers de la construction”. L’invitation est lancée !
Rédaction : Julie Dumez
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