“La couleur n'ajoute pas un agrément au dessin — elle le renforce”, affirmait le peintre Pierre Bonnard au début du 20ème siècle. Des mots qui résonnent encore aujourd’hui.
Si vous passez du temps sur n’importe quelle chaîne de réseau social qui s’intéresse à l’art et l’architecture, cela ne vous aura pas échappé : la couleur est omniprésente. Plus que jamais, les bâtiments, les œuvres d’art et les murs des lieux publics, les sols et les plafonds des zones commerciales et résidentielles se parent de multiples couleurs aux tons apaisants, dans une palette rose pastèque et orange laiteux.
Le Tipico Café à Buffalo, état de New York, a demandé à CKJJ de transformer une maison en café. Les designers ont choisi un intérieur harmonisé dans les tons de bleu, vert et jaune.
Photo : Sara Schmidle.
Ces vibrants éclats de couleur sont à l’opposé du règne du minimalisme, dont les teintes neutres et discrètes tiennent le haut du pavé depuis des décennies. En Amérique du Nord tout particulièrement, la couleur est longtemps restée en retrait, se bornant à un accent décoratif au sein de l'esthétique par ailleurs uniforme du bois naturel, de la pierre, de l'acier et du verre.
En mars, 315 couleurs ont été ajoutées au système de couleur Pantone. Cette nouvelle palette porte le choix des designers à 2.625 teintes.
Le temps passé à la maison à cause de la pandémie n’est sans doute pas étranger regain d'intérêt pour les teintes plus audacieuses. Avec moins d'endroits où aller, le besoin de se reconnecter avec nos espaces de vie a (re)fait surface, stimulant l’envie de rénover et personnaliser nos intérieurs. Début mars, le Pantone Color Institute a annoncé l’ajout de 315 nouvelles teintes à sa palette, dont 50 nuances de rose et 70 nuances de bleu. D’après l’entreprise de peinture, extrêmement influente dans presque tous les secteurs du design – y compris la mode, l’architecture et la technologie – cette palette revisitée reflète les “changements de perception” qui se jouent au sein de la société partout dans le monde. Un tel raffinement et une telle subtilité dans les tons, les teintes et les nuances suggèrent en outre que l’expression individuelle commence à prendre le pas sur la fidélité à une marque.
Dans le secteur du mobilier et de l’intérieur, les couleurs secondaires et tertiaires gagnent en popularité depuis un moment déjà. Des designers européens comme Hella Jongerius et Patricia Urquiola sont au sommet de leur art depuis plusieurs années, créant des fusions chromatiques sophistiquées et inventant des “couleurs instables” comme Jongerius les appelle – un terme inventé pour décrire les teintes uniques construites en combinant différentes peintures plutôt que de s’en tenir aux échantillons prémélangés proposés par des sociétés comme Pantone.
Au Canada, l'adoption de la couleur s’est faite plus lentement mais nos goûts, normalement réservés, sont aussi en train de changer. Division Twelve, une société spécialisée dans les meubles en acier courbé, propose des teintes audacieuses depuis son lancement en 2017. Désormais une filiale de Keilhauer, sa collection 2020 de chaises, tables et tabourets est disponible en 21 couleurs, notamment vert menthe, vieux rose et telemagneta.
La marque canadienne Division Twelve est spécialisée dans les meubles apportant une touche de couleur vive aux espaces intérieurs. Photo gracieusement fournie par Kielhauer.
“C’est un investissement ambitieux”, concède la vice-présidente du marketing de Keilhauer, Meghan Sherwin, “car vous devez commander la peinture, qu'elle soit utilisée ou non.” Sherwin s’est associé à Geof Lilge, directeur créatif de Division Twelve, pour mettre au point la palette baptisée Irreverent Joy. “L'objectif était d’identifier une lacune sur le marché”, explique-t-elle. “En tant que brand managers, nous avons bien conscience que le pendule repart dans l’autre sens une fois le point critique atteint.” Le minimalisme a, selon elle, atteint ce point il y a deux ans. “Nous avons senti qu’il était possible d’évoluer vers un espace plus féminin, plus ouvert à l’expression personnelle.” Jusqu’à présent, l’investissement s’est avéré payant. Les tons de jaune signalisation et de bleu-vert pétrole dépassent aujourd’hui les ventes de noir, gris et blanc perlé.
La palette de Division Twelve est dynamique et ambitieuse avec ses 21 options de couleur. Actuellement, le jaune signalisation et le bleu pétrole se vendent mieux que les tons neutres.
Photo gracieusement fournie par Kielhauer.
La couleur se fait aussi de plus en plus présente dans l’environnement bâti. La plupart des grandes villes sont dominées par des gratte-ciel tout en verre, acier et béton et l’espace public est devenu une bulle de répit essentielle d'ouverture et de stimulation visuelle. Les couleurs intenses s’étalent en touches éclatantes naturelles, rompant la monotonie et la grisaille urbaine.
Breakwater de Julia Jamrozik et Coryn Kempster utilise la couleur comme un outil essentiel de rassemblement. Les couleurs vives ont tendance à faciliter les échanges avec les inconnus.
Photo gracieusement fournie par CKJJ.
Les architectes Julia Jamrozik et Coryn Kempster dirigent ensemble CKJJ, une agence multidisciplinaire à Toronto et Buffalo. La couleur sert régulièrement d’élément clé dans leur travail au sein du domaine public. Pour Breakwater, une sculpture de jeu érigée à Jamestown, dans l’état de New York, le duo a appliqué une polyurée teintée en bleu sur quatre dolosses — ces blocs géométriques en béton servant à stopper l’érosion des côtes. L’installation exhale un vibrant cachet céruléen qui exerce une attraction sur les passants et invite les enfants à escalader la structure. “Le but est de créer des espaces sociaux où les gens ont envie d’interagir”, explique Kempster. “Nous avons élaboré une boîte à outils pour y parvenir et la couleur en fait partie.”
Plus important encore, ajoute-t-il, "la couleur a tendance à rapprocher les gens, qui se sentent plus à l'aise pour se parler, même s’ils ne se connaissent pas.” Voilà qui semble merveilleux en ces temps troublés, en perte de repères sociaux. La couleur n'est peut-être pas vitale, mais elle a un effet positif sur nos humeurs, nos émotions et notre comportement. Dans l’après-pandémie, cela pourrait bien devenir un instrument de rassemblement puissant.
Cet assemblage de structures en forme de chaises est une sculpture escaladable signée CKJJ. Commandée par l'Allied Arts Council de Lethbridge, en Alberta, cette création symbolise l'harmonie et le vivre-ensemble.
Photo gracieusement fournie par CKJJ.
Cet article est une traduction éditée d'un texte de base écrit par Catherine Osborne.
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