Spécialisée dans la fabrication d'escaliers sur-mesure, Styl’Escalier est devenue, marche après marche, l’une des références nationales du secteur. Installée à Trucy dans l’Aisne depuis bientôt cinquante ans, l’entreprise emploie 22 salariés pour un chiffre d’affaires de 1,8 millions d’euros. A la veille d’un déménagement et d’une série d’investissements d’ampleur, son dirigeant Christophe Lasne, fraîchement élu à la Chambre des métiers et de l’artisanat, dévoile quelques recettes pour concilier production et artisanat.

Ébéniste de formation, Christophe Lasne a repris l'entreprise picarde en 2010.

A la tête d’une entreprise de 22 salariés, vous tenez à conserver votre étiquette d’artisan. Pourquoi ?

Artisan, c’est une mentalité qui n’a rien à voir avec le nombre de salariés. Chez Styl’Escalier, nous ne faisons que du sur-mesure. Chaque pièce est unique. Certes, nous avons fait évoluer notre travail et nous avons su utiliser notre matériel pour être plus précis et plus rapide, mais l’état d’esprit d’origine est resté le même. Sans être présomptueux, j’aime le parallèle avec un couturier qui, malgré le succès industriel, revendique toujours faire de la haute couture.

Plus de la moitié des 22 salariés de l'entreprise sont menuisiers. Technico-commerciaux et ingénieurs conception viennent compléter l'équipe. 

Concrètement, comment se traduit cette mentalité d’artisan ?

Dès la conception. Quand je vais chez un client potentiel, je commence par l’écouter. Je ne vais pas vendre le même escalier à un jeune couple qu’à une personne âgée. Après avoir fait une brève analyse de l’utilisation, l’esthétique, l’aménagement du bâtiment… le dialogue s’instaure. Quelqu’un qui ne s’intéresse pas à la technique, je peux difficilement travailler avec lui. Souvent, les clients imaginent que cette partie conception a un coût important, alors que pas du tout. 

Traditionnel ou moderne, Styl-escalier fait dans le sur-mesure.

Le délai d’un escalier sur mesure peut aussi rebuter le client ?

Entre le démontage et la pose, il peut s’écouler 7 à 8 semaines. C’est le « prix » à payer pour un ouvrage qui s’ajuste au millimètre. Sachant que nous mettons un point d’honneur à toujours tenir les délais annoncés.

Ancien partenaire de Styl’escalier en tant que tourneur sur bois, vous avez repris l’entreprise en 2010 alors qu’elle comptait 15 salariés. Vous prévoyez d’être une trentaine d’ici quelques années. Comment gérer ce développement ?

Grâce à l’organisation… qui selon moi rime avec passion ! Quand tout est huilé, quand les protocoles sont bien définis, quand chaque outil est à sa place, quand les dossiers clients sont parfaitement renseignés… on gagne en liberté. En se libérant de quantité de petites choses qui peuvent être pesantes, on fait grandir une entreprise. Plutôt que de perdre du temps à jongler avec les 5 embouts différents d’une visseuse, achetons 5 visseuses avec chacune un embout différent !  C’est l’organisation qui permet de concilier artisanat et production.

Le bois reste la principale matière première de Styl'escalier... mais le métal a aussi sa place.

Fin 2022, vous déménagez dans de nouveaux locaux. Pour être encore plus productif ?

En plus de passer de 1500 à 2500 m² et de moderniser les infrastructures (aspiration, chauffage, vestiaires, salle de repas, douches…), nous envisageons de gros investissements : l’acquisition d’un troisième centre d’usinage pour débiter les pièces encore plus rapidement et, en sortie de chaîne, de quoi automatiser les finitions. Pour continuer à faire du sur mesure à des prix proches du standard et en raccourcissant encore nos délais.

De Trucy à Sissonne dans l'Aisne, Styl Escalier prévoit de déménager en 2022 pour des locaux deux fois plus vaste.

Et vous ne craigniez ni la pénurie de matériaux, ni celle de main d’œuvre ?

Concernant les matières premières, à commencer par le bois, oui il y a des tensions. Mais j’ai été rassuré de voir que nos fournisseurs refusaient de donner davantage aux entreprises qui voulaient faire du stock, afin de continuer à alimenter tout le monde. On a un peu plus de délais, mais on y arrive. Pour la pénurie de main d’œuvre, c’est plus compliqué. Mais, jusqu’ici, j’ai eu de la chance. On forme en interne et le personnel reste dans l’entreprise par goût de la performance, mais aussi parce que nous avons une bonne image et qu’il est valorisant de travailler chez nous. Au-delà de Styl’escalier, le problème sera réglé le jour où on comprendra qu'on peut réussir sa vie dans l'artisanat et en encourageant l'alternance.

Rédaction : Alexandre Lenoir